Hauts-de-France - Lille : le dynamisme d’une métropole frontalière ouverte sur l’Europe

Née en 2015, la Métropole européenne de Lille – ou MEL - est avec 1,2 million d’habitants dans 95 communes la 3em intercommunalité française. Elle s’inscrit plus largement dans l’Eurométropole de Lille. Fondée en 2008, cette structure de coopération transfrontalière entre la France et la Belgique est – avec 2,1 millions d’habitants sur 152 communes - la plus grande intercommunalité communautaire. Si l’ouverture européenne est une opportunité majeure pour cette ville longtemps périphérie de la France, Lille est aujourd’hui une métropole frontalière ouverte à 360°. En profondes mutations, la métropole cherche à acquérir une dimension réellement européenne tout en surmontant les difficultés d’un territoire en crise.

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Légende de l’image satellite

Cette image de Lille, capitale des Hauts-de-France, a été prise en 2018 par un satellite SPOT7. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles.

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Présentation de l’image globale

Lille : aménager une métropole de l’Europe rhénane

Cette image montre le cœur de la MEL, composée de la commune de Lille et des communes de la première couronne de banlieue. Le tissu urbain reflète à la fois une occupation ancienne d’un site stratégique frontalier et les mutations socio-spatiales récentes liées aux politiques d’aménagement successives pour faire de Lille une métropole française aux ambitions européennes.

Des fonctions héritées d’un site frontalier stratégique ancien

L’empreinte prégnante de la citadelle ceinte de la Deûle dans l’espace urbain témoigne de l’importance stratégique de la ville de Lille.

Capitale des comtes de Flandres et des ducs de Bourgogne, puis intégrée dans les Pays-Bas espagnols de l’Empire de Charles Quint, Lille se développa d’abord grâce à sa position stratégique sur une île de la Deûle. Ce cours d’eau secondaire du réseau fluvial flamand nécessitait une rupture de charge. Lorsque Louis XIV rattacha la cité au royaume de France en 1667, Lille passa d’une situation de carrefour commercial à celle de ville stratégique frontalière. La forme étoilée de la citadelle est spécifique de l’architecture défensive du système de « pré carré » voulu par Vauban et qui s’étendait sur 28 villes fortifiées de la frontière avec les Flandres.

L’organisation du site témoigne encore du système défensif imaginé par l’architecte royal. Les 5 bastions bâtis sur les extrémités des pointes sont reliés par des fortifications de briques, pierres et grès sur plus de 2.200 mètres de long. La « Reine des Citadelles », érigée entre 1667 et 1670, fut implantée sur les marécages à l’ouest de la veille ville de Lille. Le canal de la Deûle, qui ceint encore aujourd’hui l’ouvrage, permettaient de créer un système de défense complexe. Les alentours de la citadelle pouvaient ainsi être inondés, obligeant l’ennemi à s’user à prendre d’abord la ville elle-même fortifiée. L’enceinte se trouvait alors sur les actuels grands boulevards périphériques. A l’est de la citadelle l’esplanade obligeait l’ennemi à être à découvert et favorisait ainsi la défense du site.

La militarisation de l’espace est toujours inscrite dans le paysage urbain lillois à travers ses nombreuses casernes, portes ou voiries. La Rue Royale - la 2e parallèlement à l’esplanade - fut ainsi pensée pour favoriser le système défensif de la citadelle. Située dans les espaces verdoyants à l’est de la citadelle, la porte de Gand témoigne des anciennes fortifications du Vieux-Lille de l’époque espagnole du XVIIe siècle puis remodelées par Vauban.

De Villeneuve d’Ascq au Grand Stade : repenser l’aménagement d’une métropole d’équilibre

Dans le sillage du rapport de Jean Hautreux et Michel Rochefort paru en 1963, Lille fut désignée comme l’une des huit agglomérations françaises de la politique d’aménagement étatique des métropoles d’équilibre. Destinée à pallier l’hypercentralisation parisienne et à doter le territoire national de métropoles secondaires d’importance européenne, cette politique devait permettre d’entraîner une dynamique urbaine régionale.

L’agglomération de Lille-Roubaix-Tourcoing fut alors dotée d’équipements majeurs et de fonctions de commandement dans le domaine universitaire, les services administratifs et les services rares. Les connexions avec les autres villes régionales et les métropoles françaises furent renforcées, notamment avec le développement de l’aéroport de Lille-Lesquin. La refonte du système de transport intra-urbain a permis d’accompagner la déconcentration des fonctions dans l’agglomération lilloise. Le VAL (Villeneuve-d’Ascq-Lille ou Véhicule automatique léger), première ligne de métro entièrement automatisée de France, a ainsi permis de relier le centre-ville lillois à la ville nouvelle de Villeneuve-d’Ascq.

Les années 1960 furent marquées par une croissance démographique alimentée par des soldes naturels et migratoires positifs, avec notamment un afflux de migrants belges et portugais. C’est dans ce contexte que l’État a décidé de doter Lille d’une seconde polarité urbaine en fondant en 1970 Villeneuve-d’Ascq. Regroupant les trois communes d’Annapes, Ascq et Flers, elle devint une nouvelle centralité, notamment le quartier du Pont-de-Bois doté de l’Université de Lille 3-Charles-de-Gaulle, d’équipements sportifs dont le Stadium Nord et de logements neufs et individuels bâtis dans le cadre verdoyant du Parc du Héron. Cette opération d’aménagement attira les classes moyennes de l’agglomération soucieuses de s’éloigner du centre-ville lillois.

L’aménagement du Grand Stade Pierre Mauroy inauguré en 2012 fut accompagné de la création de zones commerciales et hôtelières. Destinée aux loisirs, la zone renforce le poids de Villeneuve-d’Ascq comme centralité lilloise, contrebalançant le poids de la citadelle Vauban. Vaste complexe moderne, le Grand Stade accueille des événements sportifs et culturels et il permet surtout à la métropole d’être enfin dotée d’un équipement métropolitain majeur qui lui faisait jusqu’alors défaut. Ce territoire de l’habiter temporaire, lié à l’événementiel, peine néanmoins à insuffler une dynamique pérenne au sud-ouest de l’agglomération.

A l’est du Grand Stade, de l’autre côté de la N227, le quartier de la Cité Scientifique accueille sur le campus universitaire de Lille 2 près de 18.500 étudiants et 1.500 chercheurs. C’est dans le quartier scientifique de la Haute-Borne que se sont implantées de grandes écoles (Mines, École centrale, Polytech’Lille), des établissements scientifiques (CNRS, MétéoFrance, INSERM) et des centres de recherches (l’Institut d'électronique, de microélectronique et de nanotechnologie, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité). Ce pôle scientifique majeur de l’agglomération fait de Villeneuve-d’Ascq le technopole lillois d’innovation et de recherches d’ampleur européenne.

La création de la ville-nouvelle favorisa le développement économique et social vers l’est au prix d’un déséquilibre dans l’agglomération. La marginalisation du sud et de l’ouest se renforça, accentuant les difficultés sociales et l’insalubrité de l’habitat. La création de Villeneuve d’Ascq confirma également le déficit démographique structurel de la commune de Lille. C’est au prix d’une laborieuse extension aux communes limitrophes d’Hellemmes en 1977 puis de Lomme en 2000 que la commune de Lille a pu enfin dépasser les 200.000 habitants.

Lille, une métropole européenne en réseau

La frontière, atout pour le développement actuel de Lille, fut longtemps une entrave pour le développement de l’agglomération. Loin de l’image d’un carrefour européen, Lille était une périphérie de la France. Face à la désindustrialisation des années 1980, la ville fait le choix d’une reconversion dans les services de la banque, des assurances, des télécommunications et de l’informatique. Cette ambition s’inscrit dans un contexte d’ouverture européenne. La signature de la convention d'application de l'Accord de Schengen en 1985, la signature du traité de Canterbury entérinant le projet d’un tunnel ferroviaire sous la Manche en 1986 et l’annonce de l’ouverture d’une liaison à grande vitesse entre Paris et Londres dont le tracé passe par Lille furent autant d’opportunités pour le développement du territoire dont les élus, notamment Pierre Mauroy, surent se saisir.

Les arrivées du TGV en 1993 et de l’Eurostar en 1994 offrent à la ville l’occasion de développer une seconde gare d’ambition internationale, Lille-Europe. Cette opération d’aménagement s’accompagna de l’implantation de grandes compagnies bancaires et d’assurances à proximité telles qu’Axa, la Caisse d’Épargne ou le CIC. Les friches militaires à l’est de la gare Lille-Flandres offrirent l’espace pour les bureaux nécessaires à cette nouvelle centralité d’affaires pensée dans le cadre des politiques de métropole d’équilibre et de reconversion économique.

Le quartier d’Euralille, 3e quartier d’affaires français, profite d’une accessibilité renforcée par la présence des deux gares régionales et internationales, ainsi que la proximité du boulevard périphérique qui le connecte notamment à l’A1 et l’A25. Véritable carrefour européen, Lille est connectée aux grandes métropoles du nord-ouest européen. La ville est désormais à 1 heure de Paris, 38 minutes de Bruxelles, 1 heure 40 minutes de Londres et 2 heures 20 minutes d’Amsterdam.

D’Euralille aux Euras : développer un polycentrisme dédié à l’excellence

Situées entre l’A1 et la voie ferrée, les zones industrielles du Hellu et du Petit-Maroc témoignent du maintien du tissu industriel dans la première couronne de Lille, notamment avec le B’Twin Village de Decathlon, 3e entreprise de l’agglomération. La désindustrialisation s’est accompagnée de la transformation de Lille en métropole dédiée au tertiaire supérieur. Le quartier d’Euralille destiné aux affaires et aux loisirs, la technopole de Villeneuve-d’Ascq tournée vers l’innovation et la recherche et développement, et le pôle d’excellence Eurasanté-CHRU contribuent au polycentrisme de l’agglomération.

4e aire métropolitaine de France, l’agglomération lilloise dispose d’équipements majeurs qui lui permettent de polariser les emplois et la population, et d’exercer un rayonnement régional et européen. Les différentes centralités urbaines sont interconnectées par un réseau de transport en commun efficace (métro, tramway, réseau de bus). Le TGV, l’Eurostar et le Thalys, ainsi que la N356 reliant l’A22 pour les navetteurs avec la Belgique intègrent ces centralités au réseau de métropoles nord-européennes.

Lille peine néanmoins à devenir une métropole de services de dimension européenne, le secteur ne représentant qu’un actif occupant un emploi sur sept en 2015. Le projet d’extension Euralille 2 lancé en 2000 et le programme Euralille 3000 doivent permettre à la ville de se doter d’un parc de bureaux suffisant avec 2,5 millions de mètres carrés supplémentaires. De même, si Lille accueille plus de cent-mille étudiants par an, elle attire peu de chercheurs. La mutation de Lille en métropole européenne passe désormais par sa capacité à développer la recherche et l’innovation sur son territoire. Le développement du parc EuraTechnologies dans le quartier de Bois-Blanc sur la rive gauche de la Haute-Deûle répond à cette ambition. Fondé en 2009, ce parc d’activités d’excellence dédié aux TIC met en relation plus de 300 entreprises avec les acteurs de la recherche, de l’enseignement et de la formation. Il est aujourd’hui le premier booster de start-up du numérique en France.

Lille-Sud : rééquilibrer le maillage urbain

Les effets du développement urbain depuis les années 1990 ont accru les déséquilibres métropolitains entre certains quartiers lillois notamment celui de Lille-Sud. L’image révèle les poids de l’A25, de la voie ferrée et du métro aérien comme lignes de fragmentation, véritables obstacles à l’intégration de cet espace au reste de la ville. Cet ancien quartier industriel et populaire souffre à la fois d’une fracture territoriale et d’une fracture socio-économique. Avec 20.000 habitants sur 300 hectares, ce quartier - le plus grand et le plus peuplé de Lille - se caractérise par son habitat collectif à bon marché et vieillissant des années 1950-1960 et par le profil de ses habitants. Avec 26% de chômeurs – soit 6 points de plus que l’ensemble de la commune de Lille - et un revenu médian mensuel deux fois moindre que la moyenne de la métropole, le quartier de Lille-Sud souffre des effets cumulés de la politique jacobine d’aménagement des grands ensembles des Trente Glorieuses, de la désindustrialisation et des trois décennies du développement de l’est lillois avec Euralille et Villeneuve-d’Ascq.

Ces difficultés structurelles expliquent le rôle pionnier de Lille dans la Politique de la Ville, avec le Grand Projet Urbain dès 1997 puis le Grand Projet de Ville en 1999. Ces opérations de renouvellement urbain visent à diversifier l’habitat, désenclaver le quartier, améliorer le cadre de vie, favoriser la mixité sociale et à rééquilibrer le développement urbain vers le sud-ouest lillois par des opérations d’aménagement et des incitations financières. Le développement du pôle d’excellence Eurasanté et du CHRU de Lille dans les années 1990-2000 s’inscrit dans cette dynamique. Cette nouvelle centralité, associée au pôle EuraTechnologies, permet un rééquilibrage vers le sud-ouest de l’agglomération.

Zooms d’étude   


Euralille, une nouvelle centralité pour une métropole européenne

Le quartier d’Euralille symbolise le dynamisme actuel de Lille. 3e quartier d’affaires français, Euralille fut conçu dès les années 1990 par l’architecte et urbaniste néerlandais Rem Koolhaas comme une nouvelle centralité urbaine dédiée aux services supérieur et un lieu de vie pour les pratiques de loisirs et de tourisme.

Une « turbine tertiaire » pour redynamiser l’économie lilloise

Les espaces vierges, les tracés nord-sud des boulevards périphériques qui se superposent aux anciennes fortifications lilloises et la place de la Porte de Paris où se situe l’arc de triomphe célébrant le rattachement de la ville à la France sous Louis XIV sont les témoins de l’ancienne fonction militaire de ce quartier.

En 1998 Pierre Mauroy décide d’exploiter l’espace laissé par les friches militaires pour doter la ville d’une centralité d’affaires. S’étendant sur 130 hectares, le quartier d’Euralille accueille aujourd’hui 250 entreprises et 14.000 salariés dans 75.000m² de bureaux, dont certains relèvent de la starchitecture au service du marketing territorial. La Tour du Crédit Lyonnais - surnommée la « chaussure de ski » - réalisée par l’architecte Christian de Portzamparc domine la gare souterraine de Lille-Europe.

L’accessibilité au cœur de la centralité

L’histoire du quartier d’Euralille est liée à celle du TGV. Profitant du passage de la future ligne à grande vitesse, Pierre Mauroy décide de bâtir une nouvelle gare autour de laquelle doit se développer le futur quartier d’affaires. Profitant de la proximité de la gare Lille-Flandres et de la nouvelle gare Lille-Europe - dont seules les voies ferrées sont visibles - Euralille est devenue une plate-forme intermodale avec la présence du tramway, des deux lignes de métro, d’une gare routière et d’une navette directe avec l’aéroport de Lille-Lesquin. La présence d’un échangeur routier à proximité permet d’accéder directement au boulevard périphérique connectant l’A1, l’A25 et l’A22.

Un quartier d’affaires, de loisirs et de tourisme

A proximité du centre-ville historique de Lille, Euralille fut pensé comme un lieu de vie.  Le centre commercial - le « paquebot » - réalisé par Jean Nouvel a accueilli sur 66.500m2 plus de 16 millions de personnes en 2018. Le bâtiment accueille également des logements. Plusieurs parcs urbains furent aménagés comme le Parc Matisse au nord du centre commercial et le Parc des Dondaines à l’est du périphérique.

De nombreux équipements culturels furent implantés comme la salle de spectacle de l’Aéronef dans le centre commercial, le centre d’expositions et de spectacles du Tri Postal dans les annexes de la gare Lille Flandres et surtout le parc des expositions au sud des gares qui accueille le Zénith et le Centre de congrès Lille Grand Palais. Le Casino Barrière vient compléter l’offre récréative dans le quartier. Euralille est en effet un lieu majeur des loisirs et du tourisme à Lille, que ce soit d’affaires avec la présence d’hôtels à proximité des gares et du Centre de congrès ou de récréation avec une offre riche en festivité depuis Lille capitale européenne de la culture en 2004.

Euralille 2 et Euralille 3000 : renforcer la centralité dans le contexte de métropolisation

Depuis 2000 le programme de reconversion se poursuit sur le quartier de l’ancienne Foire de Lille situé entre les deux boulevards périphériques. Ce programme d’aménagement mixte se compose de logements, de commerces et de bureaux administratifs notamment ceux du nouvel Hôtel de Région. Le quartier Euralille 2 rejoint alors celui de la Cité administrative situé au sud de la gare Lille Flandres. L’aménagement phare du  « Biotope », ensemble de bureaux modernes et végétalisés entre Lille Grand Palais et l’Hôtel de Région et destiné à accueillir l’Agence européenne du Médicament, accueille  finalement les nouveaux bureaux de la MEL en 2020, Amsterdam ayant été retenue pour accueillir l’AEM.

Signe du dynamisme d’Euralille et de sa volonté de devenir plus compétitive, l’aménagement du quartier d’affaires se poursuit avec le lancement en 2015 du chantier Euralille 3000. Ce projet prévoit la reconversion des 23 hectares de friches du quartier de l’ancienne gare à marchandises St-Sauveur fermée en 2003 et la densification du quartier entre les deux gares Lille-Europe et Lille-Flandres. Le projet prévoit un aménagement mixte avec 140.000 m2 de bureaux supplémentaires dédiés aux services supérieurs, ainsi que 1.000 logements, des surfaces commerciales et des espaces verts pour faire du quartier un lieu de vie à part entière.


Le Quartier Vauban et le Vieux-Lille : un centre historique dédié aux loisirs et au tourisme culturel

L’image est centrée sur le quartier historique de Lille, à la fois patrimoine urbain et lieu d’adaptation aux usages actuels des habitants en termes de mobilités et de pratiques récréatives.

Le quartier Vauban-Esquermes : poumon vert lillois

La citadelle Vauban illustre la polyfonctionnalité de ce quartier. Après avoir abrité le 43e Régiment d’Infanterie depuis 1871, les bâtiments de la citadelle qui se déploient autour de la place d’armes pentagonale accueille depuis 2005 le Corps de Réaction rapide – France. Cet État-Major français, relevant de l’Armée de Terre, assure la coordination et la coopération avec l’OTAN pour assurer le déploiement et le commandement de troupes françaises et internationales dans le cadre de missions menées conjointement avec l’alliance transatlantique.

Si la citadelle demeure un site militaire hautement stratégique, le déclassement des fortifications urbaines en 1919 a permis à la municipalité de réinvestir l’espace. Les terrains libérés par le démantèlement de l’enceinte urbaine sont désormais occupés par des logements collectifs privés qui ont permis à la ville d’absorber la croissance démographique de l’entre-deux-guerres. Les ouvrages extérieurs composés d’espaces verts, de l’esplanade et du canal de la Haute-Deûle ont été transformés en parc urbain pour les habitants de la métropole.

Le Bois de Boulogne et le parc Vauban, le plus grand parc de la ville, accueillent flâneurs, sportifs, touristes et familles. Un parc zoologique de 3 hectares, situé entre les deux branches sud de l’étoile, abrite plus d’une centaine d’espèces. Avec 850.000 visiteurs en 2016 il était le deuxième zoo de France et le premier site touristique de la région. Le choix de la municipalité de faire payer les non-Lillois à partir de 2017 a entraîné une chute de sa fréquentation avec 350.000 visiteurs en 2018.

A l’est de la citadelle, l’Esplanade du Champs de Mars est un ancien terrain destiné à l’entraînement militaire et à faciliter la défense de la citadelle. Il accueillait également certains rassemblements populaires. Le site accueille aujourd’hui plusieurs événements comme la Foire aux Manèges, le Cirque ainsi que la braderie annuelle qui, chaque premier week-end de septembre, attire plus de 2 millions de « bradeux » et chineurs. L’Esplanade servant de parking sauvage, une opération d’aménagement achevée en 2017 a permis d’y améliorer l’offre de stationnement et de créer des promenades et des jardins publics.

Le quai du Wault, un des anciens ports sur la Haute-Deûle, est aujourd’hui intégré dans le développement d’un axe vert prolongé par le square Dutilleul entre la citadelle et la Préfecture de Lille. Ces trames témoignent de la volonté des aménageurs d’améliorer le cadre de vie en réintégrant progressivement, depuis le quartier Vauban, la nature dans un centre-ville minéral qui manque d’espaces verts.

Les effets de la mise en tourisme du Vieux-Lille

Le quartier du Vieux-Lille est délimité par la Grand’Place – ou Place du Général de Gaulle - à l’est et au sud par le boulevard de la Liberté bordé d’arbres. Ayant survécu aux destructions de la Grande Guerre, il est l’unique quartier qui témoigne du passé de Lille par son architecture et ses nombreux lieux culturels et patrimoniaux.

Au nord, la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille, construite dans la seconde moitié du XIXe siècle dans un style néo-gothique, rappelle l’émergence de riche bourgeoisie lilloise qui a souhaité créer un diocèse dont Lille devint le siège. Au nord de l’église épiscopale, de l’autre côté de la Rue de la Monnaie, se dresse l’Hospice Comtesse de Lille. Fondé en 1237 par la comtesse Jeanne de Flandre, l’hospice a accueilli malades, lépreux et pauvres jusqu’en 1939. Classé aux Monuments historiques, il accueille depuis 1962 un musée de la vie lilloise du XIIIe au XVIIIe siècle.

La Grand’Place, espace public typique des villes des anciens Pays-Bas bourguignons, demeure le cœur de la vie sociale lilloise. Les nombreux bâtiments qui la bordent, laVieille Bourse, le Théâtre du Nord, l’immeuble de la Voix du Nord sont classés monuments historiques. Au centre de la place pavée se dresse la colonne de la Déesse, témoignage de la résistance des Lillois lors du siège de la ville par les Prussiens en 1792. Lieu de tourisme et de loisirs, la Grand’Place accueille les grands événements de Lille et s’est reconvertie dans le commerce avec les nombreux restaurants et boutiques.

Sur la petite place au nord de la Grand’Place se dresse l’Opéra de Lille et la Chambre de Commerce et d’industrie. Les deux bâtiments témoignent de l’enrichissement de la bourgeoisie de la ville avec l’industrialisation du XIXe siècle et du renforcement des fonctions de commandement de Lille dans l’économie régionale. La présence de la Préfecture du Nord et du Palais de Justice à l’ouest de l’Hospice Comtesse confortent le rôle de Lille comme capitale administrative, culturelle et religieuse d’importance régionale.

Le Vieux-Lille a renforcé son attractivité culturelle et touristique par la création du Nouveau-Siècle, reconnaissable à sa forme cylindrique. Il marque la reconversion de l’ancien marché aux poissons en un centre culturel doté d’un auditorium et d’une salle de concert symphonique.

La réhabilitation du Vieux-Lille depuis les années 1960 a redynamisé le quartier. L’animation culturelle, festive et commerciale qui y règnent a généré une rapide gentrification avec le retour des cadres et professions libérales dans le centre. Avec un prix de l’immobiliser supérieur à 3.000 euros le mètre carré, le Vieux-Lille est le quartier le plus cher de la ville, aujourd’hui vidé de ses habitants populaires et immigrés d’autrefois.


Wazemmes, de la fragmentation à la gentrification : les effets du rééquilibrage métropolitain vers l’Ouest

L’image est centrée sur le quartier de Wazemmes, ancien quartier industriel et populaire en cours de réhabilitation. Si le quartier connait un processus de gentrification sur ses franges orientales, les classes populaires se maintiennent dans les grands ensembles à l’ouest.

Wazemmes, stigmate de la relégation des activités et des populations dans Lille

Les maisons et petits immeubles en briques rouges, les courées et l’absence d’espaces verts dans la moitié est du quartier sont les héritages de l’urbanisation de ce faubourg industriel de Lille au XIXe siècle. Autrefois peuplé d’ouvriers et d’artisans, le paysage conserve les traces des anciens équipements industriels installés dans ce qui était alors une périphérie de la ville.

Les années 1960 sont marquées par la construction de HLM modernes destinés à lutter contre l’insalubrité des courées ouvrières et à attirer les classes moyennes. C’est au contraire la désindustrialisation et le départ des classes moyennes pour le périurbain lillois qui touche le quartier dans les années 1970. Les logements HLM accueillirent alors les populations précaires et les populations immigrées en provenance du Maghreb et du Portugal. Le marché de Wazemmes témoigne encore du caractère cosmopolite du quartier. Véritable lieu de vie, ses halles couvertes accueillent quotidiennement les clients, alors que le grand marché qui se déploie également sur la place de la Nouvelle Aventure se tient trois fois par semaine (mardi, jeudi et dimanche matins). L’ambiance qui y règne et la diversité des produits proposés en font l’une des principales attractions touristiques de Lille et l’un des plus grands marchés d’Europe avec 40.000 visiteurs chaque dimanche.

Malgré ce dynamisme, la fréquentation et l’organisation du marché de Wazemmes sont révélateurs de fragmentations sociales dans le quartier : les classes moyennes qui réinvestissent le quartier fréquentent davantage les Halles à la recherche de produits bio et de terroirs, alors que les classes populaires investissent la place du marché où s’étalent produits exotiques et « babioles ».

Un quartier de la Politique de la Ville

Wazemmes est un exemple de reconversion d’un quartier dans le cadre de la Politique de la Ville. Les politiques de rénovation des années 1970 puis de réhabilitation dans les années 1980 ont transformé les activités et l’occupation socio-spatiale du quartier. Des usines ont été détruites ou réhabilitées en logements, notamment pour accueillir des établissements d’études supérieures. Ce dynamisme s’est accompagné d’une réhabilitation de l’habitat ouvrier et de l’implantation de commerces et de bars, attirant des étudiants et de jeunes cadres et actifs des professions intermédiaires.
L’implantation de lieux culturels dans d’anciennes usines a contribué au réinvestissement des îlots d’habitations alentours par une population plus aisée. Aménagée en 2004 dans le cadre de la politique événementielle « Lille capitale européenne de la Culture », la Maison Folie de Wazemmes est un exemple de reconversion culturelle par la réhabilitation d’une ancienne filature textile en un espace destiné aux expositions et aux spectacles populaires. Le quartier est depuis un exemple de gentrification.

Un quartier « puzzle », fruit des politiques d’aménagements

Les grands ensembles furent érigés sur d’anciennes friches industrielles. La filature de coton Henri Loyer entre les rues Deschodt et Corbet qui a ainsi laissé place à 4 barres HLM. Les friches de la filature de coton Delebart-Mallet, entre la rue Loyer et le boulevard Montebello ont laissé place à un ensemble de logements sociaux.

Cet îlot résidentiel collectif ne souffre pas de fracture territoriale puisqu’aucune voie n’enclave le quartier et qu’il est même desservi par deux grands boulevards et la station de métro Cormontaigne à leur croisement.  Dans l’esprit de la Charte d’Athènes de 1933, ces grands ensembles font la part belle aux espaces verts et à l’habitat collectif en barre accueillant commerces, services et locaux associatifs. Ce « quartier » souffre pourtant d’une grande précarité donnant à Wazemmes l’image d’un puzzle juxtaposant ensembles populaires marginalisés et espaces résidentiels réhabilités et intégrés à la ville. L’accentuation de la fragmentation socio-spatiale au sein même du quartier de Wazemmes est un défi que les aménageurs doivent aujourd’hui relever.


Pont-de-Bois : aménager une nouvelle centralité dans le cadre de la politique des villes-nouvelles

Le quartier du Pont-de-Bois a une identité forte au sein de l’agglomération lilloise, notamment pour son dynamisme universitaire.

Un quartier dédié à la connaissance

Transférée sur ce site en 1974 dans le cadre la création de la ville-nouvelle à l’est de l’agglomération, l’Université de Lille 3-Charles de Gaulle accueille près de 22.000 étudiants en Sciences humaines et sociales, Arts et Lettres. Le campus universitaire s’organise autour d’un vaste espace vert circulaire avec les bâtiments d’enseignement et de recherche au sud et les espaces de stationnement à l’ouest.

La nouvelle centralité fait également la part belle aux pratiques sportives. De nombreux équipements sont construits dans les années 1970 comme le complexe de Stadium Nord en 1975-1976. Véritable complexe olympique dédié à l’athlétisme, au rugby et au football, il a accueilli un temps les matchs de football du LOSC avant la création du Grand Stade en 2012. Les équipements sportifs et la zone commerciale visibles à l’est du campus universitaire complètent l’offre en équipements et services pour la nouvelle population marquée par les pratiques périurbaines des années 1980 : les nombreux parkings et les axes routiers sont autant de témoins du développement des déplacements motorisés individuels et de la pratique des surfaces commerciales.

Ville-nouvelle et nouvelle fragmentation socio-spatiale

La création de la ville-nouvelle s’accompagne de la création de logements individuels et collectifs. Les logements sociaux des grands ensembles bâtis entre la N227 et l’avenue du Pont de Bois qui longe le campus universitaire sont des exemples d’architecture collective minérale de la fin des années 1970. La faible végétalisation de l’espace, les nombreux parkings et les espaces publics minéraux faits de places et de stades en macadam renforcent l’impression d’une densité du bâti dans le paysage. La présence du métro et d’une gare multimodale depuis 2017 doivent permettre de désenclaver cet ilot.
 
Au sud de la N227, sur l’ancienne commune d’Annapes, se déploient de vastes résidences de logements individuels de type pavillonnaire. L’espace a été organisé pour offrir des espaces verts et de promenade en ville autour des Lacs des Espagnols et de Saint-Jean, des équipements sportifs et éducatifs. La qualité de vie et la proximité de la N227 - à l’embranchement des autoroutes A1, A22, A23 et A27 - attirent les jeunes familles d’actifs des classes moyennes de l’agglomération. Ce quartier est en rupture totale avec les grands ensembles minéraux, fragmentant la ville-nouvelle : les étudiants dans le campus universitaire, les classes moyennes aux bords des lacs et les catégories populaires dans les des grands ensembles.

Références ou compléments bibliographiques

Sur le site GeoImage
Nicolas Marichez : Roubaix-Tourcoing : patrimonialisation, reconversion et frontière comme leviers de la démarginalisation

Autres ressources
Site de Lille Métropole (nombreuses cartes, atlas, documents d’aménagement) : 

Visite virtuelle de la Citadelle Vauban

Béatrice Giblin-Delvallet , « Lille métropole. Une eurométropole en devenir ? », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2004/1 (no 81), p. 69-80. DOI : 10.3917/ving.081.0069.

Didier Paris, « Lille, de la métropole à la région urbaine », Mappemonde, n°66, 02/2002,

Collectif Degeyter, Sociologie de Lille, Paris, La Découverte, 2017

Louis Trenard et Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de Lille, 4 tomes, Perrin, 1958-1997.

Contributeur

Thomas Deguffroy, professeur agrégé d’histoire-géographie, lycée Guy Mollet (Arras)

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